Diemoz entre dans l'histoire : Les premières traces écrites

Publié le par Sophie BOUDAREL

Voici le quatrième épisode du feuilleton "Diémoz un village du nord Isère". Après avoir découvert Diémoz à l'époque gallo-romaine, entrez dans l'histoire avec Diémoz.
Introduction

L’histoire de notre village ne peut, jusqu’au début de ce siècle être dissociée de l’histoire du château de Diémoz. Aussi, j’ai choisi de suivre la chronologie du temps pour parcourir les pages du passé.

Mais notre histoire est aussi directement liée à celle du Dauphiné et de la Savoie d’abord puis du royaume de France et de la France ensuite. Aussi, je vais essayer de situer en quelques mots les différents événements de notre village dans un contexte plus général pour permettre au lecteur de se repérer plus facilement.

C’est ainsi que nous nous retrouvons aux environs de l’an mil….


Les frères de Limbourg

Les très riches heures de Jean de Berry

Le mois d’avril avec le château de Dourdan

Page du calendrier – vers 1416 – Chantilly, musée Condé

Les premières traces écrites

Le Nord Isère à partir de l’an mille

Depuis 1029, la région appartenait aux Comtes de Savoie, et elle était le théâtre de guerres sanglantes entre les Savoyards et les Dauphinois.

Armes des

Comtes d’Albon

Le Dauphiné était dirigé à cette époque par la maison des Comtes d’Albon, fondée en 1029 par Guigue le Vieux, sire de Vion (dans l’Ardèche). Ayant reçu des mains de l’Archevêque de Vienne, le sud du Viennois, il conquit par la suite, et en particulier, la terre d’Albon dont il prendra le nom et ira jusqu’au Grésivaudan. En 1053, il obtient de l'empereur Germanique Henri III l'investiture du Briançonnais, donnant ainsi une homogénéité au Dauphiné. Cette prestigieuse maison va disparaître en 1184 avec la mort de Guigue V, porteur du titre héréditaire de Dauphin du Viennois depuis Guigue IV. Le Dauphiné, quant à lui, va continuer à vivre jusqu’en 1343, date du rattachement à la France

A cette époque, la France était en pleine dynastie Capétienne. A son fondateur, Hugues CapetRobert le Pieux de 996 à 1031, puis Henri 1er de 1031 à 1060 et Philippe 1er de 1060 à 1108. Mais l’essor des Capétiens commença réellement en 1108 avec Louis VI le gros, qui régna jusqu’en 1137 et qui fut suivi par Louis VII qui épousa Aliénor d’Aquitaine et qui régna de 1137 à 1180. qui régna de 967 à 996, se succédèrent

C’est aussi à cette époque qu’eurent lieu les deux premières croisades (1096-1099 et 1147-1149). Si la seconde partit de Paris et passa par l’empire Allemand, la première partie de Normandie et de Toulouse, pour se rejoindre dans le Lyonnais. Il ne reste aucune trace du passage de cette croisade dans notre région, mais il est possible d’imaginer les ravages que causa une telle troupe en mouvement.


Couronnement de Louis VII                                                          Louis VII

                                          Aliénor d’Aquitaine

Gisant de Aliénor à l’abbaye de Fontevraux

Humbert II, dernier Dauphin avant le rattachement à la France – Son sceau

Première mention d’un seigneur de diémoz

C’est dans le cartulaire de Bonnevaux en 1159 qu’il est fait mention des premiers habitants de Diémoz. Une reconstitution historique disponible sur le site Internet de Saint Georges d’Espéranche nous décrit la vente de terrains à l’abbaye en 1150 ( ?).

Un convert de l’abbaye, Nicholaus Socerannus de Diémoz (de Dueismo dans les textes), est mandaté par les moines pour acheter un terrain près d’une maison forte, le château Tillet. Leur intention était de fonder une grange dans cette région, comme il en existait déjà ailleurs.

Ces granges étaient, à l'époque médiévale, le moyen pour des abbayes de s'étendre sur un vaste territoire et de défricher les terres. Au début du 12ème siècle un climat propice permit à la population de s'accroître rapidement. Il fallut donc de nouvelles terres pour nourrir tout le monde et les rendements étaient faibles. (Un grain de blé semé en produisait huit en moyenne).

Ces granges étaient généralement de grosses fermes où travaillaient des paysans locaux attachés par leur statut à leur terre et dirigés par des moines. La production est engrangée, envoyée à l'abbaye mère ou vendue.

C et achat allait être le premier d’une longue série pour agrandir les terres autour de cette grange, connue sous le nom de Grange de Péranche, et qui seront prospères pendant plus d’un siècle. Le village de Saint Georges d’Espéranche existait déjà sur la colline (son emplacement actuel) depuis plus de 300 ans. L’objectif de la grange était aussi d’attirer du monde sur cette terre et d’agrandir le bourg.

En 1250, les moines de l’abbaye vendent le domaine de Péranche aux comtes de Savoie. Après huit siècles, il ne nous reste de cette exploitation que le bâtiment isolé dit « grange du Guillolet » et ce parce qu’en 1511, le bâtiment fut entièrement reconstruit sur le modèle cistercien dit des granges à 3 nefs. Rachetée en 1992 par la commune de Saint Georges, elle a été entièrement restaurée jusqu’en 1998 et est aujourd’hui un musé.

Le terrain se trouvait dans un lieu paisible, en bas de la colline entre le château Tillet et le lieu dit de l’Ambalon. Des forêts touffues l’environnaient et il semblait bon bien que marécageux mais ce ne serait pas difficile de le drainer. Le propriétaire s’appelait Galamus de Dueismo (ou Galanus). L’acte de vente stipule que

« … Galamus de Diémoz, avec la louange et l'approbation de ses fils Milon et Galanus, ainsi que son frère Milon, avec la louange et l'approbation de son épouse Poncia et de ses fils Gauthier, livrèrent et vendirent aux frères de Bonnevaux la terre de Péranche et reçurent 500 sols ... Les témoins sont les susdits, ainsi que le convert Nicholaus Socerannus de Diémoz, Malenus de Seyssuel et Givinius chapelain de Diémoz. »

Cette vente s’est faite sous le contrôle et la présence l'abbé Guigues et du moine Rostagnus, venus exprès de l'abbaye et de Sibodus de Beauvoir garants de la bonne entente.

Ce même Galamus vendit les terres environnantes de Costa Ruser (dans la vallée du Pétrier) un an plus tard à l’abbaye.

En 1170, le même Galamus vend le quart du bois de Maalum (bois des Moilles) ainsi que sa terre Cumba Ruffa (la Grande Combe ou peut-être Comberousse) à la confrérie en devenant religieux à l’abbaye en même temps qu’un nommé Joceran de Dueismo.  La grange de Péranche s’est ainsi agrandie, s’équipant de bâtiments de réserve pour les productions.

Dans le cartulaire de l’abbaye de Bonnevaux (cartulaire III, charte 174), il est fait mention à nouveaux de Galamus de Dueismo sous le nom français de Galand de Diémoz. Il est aussi fait mention d’un certain Adhémar de Moisdier, fide jussor (garant) de Galand de Diémoz. Il s’agit d’un habitant de Bonnefamille, et plus particulièrement de Moidière.

La carte de Cassini de 1747 nomme et situe les lieux de la Maison d’Espéranche et du château Tillet avec une erreur d’emplacement, les deux lieux étant inversés.

Carte de Cassini

Grange de Péranche (Grange du Guillolet)

Diémoz au 12ème et 13ème siècle

D’autres traces existent de notre village en ce début du second millénaire. Au 12ème siècle, il y avait dans le village, une famille chevaleresque du nom de Dueysmo. Les sires de Beauvoir étaient leurs suzerains puis les Comtes de Savoie en direct.

En 1167, Durannus de Dueysmo est témoin d’une donation à l’abbaye de Bonnevaux, certainement dans le prolongement de la grange de Péranche.

Tableau représentant l’abbaye de Bonnevaux détruite sous la révolution

En 1168, dans un acte du cartulaire de Saint André le Bas à Vienne, il est fait mention d’un Berardi de Dueysmo. A cette époque, la paroisse de Diémoz dépendait de la maison de Saint Oblas. C’est dans ce même cartulaire, dans un texte daté du mois de mai 1169, qu’il est évoqué pour la première fois la présence à Diémoz d’un notable Bérard de Diémoz. Il devait s’agir de la même personne. Il est décrit pages 302 à 304, la donation d’une dîme à Bonnevaux.

« … Que tous les fidèles sachent que moi, Yves, abbé de Saint Pierre (de Saint Oblas) hors la porte de Vienne, l’an de l’Incarnation 1169, au mois de mai, avec le conseil et consentement de Etienne prieur claustral (dépendant du cloître), Hugues chamarier, Foucher procureur, BonifaceSaint Oblas, Pons prieur de Saint Julien de l’Herms, Nantelme prieur de Saint Romain de Surieu, Boson, Garin et de tout notre couvent, j’ai donné à Dom Hugues abbé, et aux frères de Bonnevaux, toutes les dîmes du territoire de Diémoz, dépendant de notre maison de Saint Oblas. prieur de

Pour tout ce que les frères de Bonnevaux y possèdent actuellement et qu’ils annexeront plus tard à leur domaine ou feront cultiver moyennant redevance, dans les limites qui vont être marquées, à savoir : depuis la borne de pierre posée sur le chemin d’Heyrieux  et tend vers le vivier de Diémoz, d’où il monte vers Comberousse le long du ruisseau et tend ensuite à la charrière du FayetSibuenche ;  pour tout ce territoire, dis-je, ainsi que pour la terre de Bérard de Diémoz qui n’y est pas comprise, pour les animaux que les frères de Bonnevaux élèvent tant dans ces confins que dans la grange d’Espéranche, ils ne nous donneront seulement chaque année cinq setiers de seigle (500 kilos), trois de froment et deux sommées de vin (240 litres). au-dessus d’une vigne jusqu’à la borne posée à l’entrée du bois ; de là, en suivant la dite charrière qui tend jusqu’à la quatrième borne posée sur la voie

Cependant, si en dehors des limites susdites les frères de Bonnevaux font une acquisition  nouvelle, ils verseront à la maison de Saint Oblas dîmes et cens comme nous les fixerons alors de concert. Et pour que cette convention ne puisse, par l’action du temps ou les intentions perverses de quelque individu, être modifiée ou violée, nous avons décidé d’y apposer sceaux et signatures en présence des témoins : Guigues Siboud et Pierre Adoard, moines de Bonnevaux, Bernard curé de Saint Oblas, Anselme notaire, André, Foucher, Garnier ainsi que tout le chapitre de Saint Pierre ... »

L’espace ainsi décrit couvre l’espace de la commune entre la grande combe (lieux dits la Berthière, le Fayet, les Combes et la Chèvre) à l’ouest du village et Saint Georges d’Espéranche. On suppose que la voie Sibuenche devait désigner l’ancienne voie Celte qui passait vers Saint Georges.

En 1180, Gautier, fils de la femme d’Hugues de Lai, reçoit en fief de la maison du temple de Vaulx tout ce que ce dernier possédait à Dueismo et donne 2 sols à perpétuité (Registre dauphinois 4767).

En 1198, toujours dans un acte du cartulaire de Bonnevaux, il est question d’un Guillaume Picx de Duesmo qui, partant en pèlerinage à Saint Jacques de Compostelle donne une terre à Félines.

En 1245, le 25 juillet à Lyon, une bulle du pape Innocent IV adressée à la prieure de Notre de Dame de Blyes, confirme à ce monastère ses possessions : la grange de la Tour vers Morestel, et celle de Lestras sous Duesmo.

En 1255, Guillaume de Beauvoir donne à son fils Dronet des hommes et des terres qu’il possède en ville et paroisse de Dueysmo.

Sur l’ancienne voie romaine, à l’entrée de Diémoz, au lieu dit le péage de Diémoz qui est devenu actuellement les hameaux de Guerrier et le hameau de Costa, il y avait deux croix, aujourd’hui disparues. L’une marquait la montée vers le château, l’autre indiquait la direction de la « voie publique » d’Heyrieux.

Cette dernière est mentionnée dans un acte de vente de la forêt de Chanoz à Philippe de Savoie par Milon de Diémoz en 1258. Ce bois, dit le texte retrouvé aux archives départementales de l’Isère (B3605) par le docteur Joseph Saunier, s’étendait depuis la forêt du seigneur Philippe (Forêt de Chanoz) jusqu’à la voie publique qui tend de Diémoz à Heyrieux, d’un côté et de l’autre depuis la voie publique qui tend de Bourgoin à Vienne. Cette description nous permet de le situer aux environs de l’ancienne gare de Diémoz.

Denier de Philippe
1erde Savoie

Ce même Milon avait vendu au même Philippe de Savoie, l’année d’avant en 1257, la forêt des Blaches, qui allait de la Grange de Péranche à Charantonnay (Charantongia) et Artas (Artais).

Philippe 1er de Savoie succède à Pierre 1er de Savoie qui meurt en 1268. Philippe veut faire de Saint George d’Espéranche le lieu où la cour de Savoie passe l’été. Il fait alors construire un formidable château pour l’époque, le château Saint Vincent. C’est à Maître Jacques, fils de Maître Jean, qu’il s’adresse pour réaliser ce château. Ces deux architectes militaires, qui appartiennent à la Maison de Savoie depuis longtemps ont déjà construit les châteaux de Chillon, Yverdon, Grandson, Saillon qui défendent la Savoie des visées de l’empereur d’Allemagne. Ils vont réaliser, pour le comte de Savoie, un château d’un type nouveau, à la fois de défense et d’agrément. Il sera situé sur une croupe, à côté de la vieille ville, et une ville neuve de Saint Georges se développera entre le Fond de Ville et le château.

Reconstitution du château Saint Vincent

La tour Sud Est


A suivre : Une maison forte à Diémoz ...

Publié dans Histoire Locale

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E
Merci monsieur Nèple pour vos remarques. Comme je l'évoquais dans le premier chapitre de cette histoire de Diémoz, elle est le fruit de notes de recherche que je fais depuis une dizaine d'années. Il est évident que des erreurs ou des inexactitudes se sont glissées dans l'ensemble du travail et j'apprécie beaucoup lorsque quelqu'un me les signale. Cela me permettra de réviser le document qui est vivant.
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N
Errare ,etc, il faut lire "le moulin de Peranche quis e trouve bien au Nord de Chateau Tillet"
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N
Cumba Russa et non Ruffa ,on confond souvent le f et le s ,c'est bien Combe Rousse
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N
Sur la carte de Cassini ce n'est pas la maison de Peranche qui est représentée mais le moulin de Peranche qui setrouvait bien au sud de Chateau Tillet sur le ruisseau partant de Comberousse et se perdant au bas du Fayet en direction de St Oblas
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